Ce qui se passeActualitésPont du canal de Lachine – Montréal

Pont du canal de Lachine – Montréal

15 février 2024

Article vedette d’un commanditaire de l’ATC

Le nouveau pont du canal Lachine à Montréal, au Québec, conçu par Parsons, est le premier pont incurvé extradossé doté de plusieurs poutres-caissons en acier composite et d’un tablier en béton. L’enveloppe de dégagement du canal, combinée à la ligne de nivellement du profil donnée et à la chute transversale significative de 6 %, a été décisive pour le concept de superstructure, qui devait relier une travée principale de 88 m (289 pieds) de long à une poutre de seulement 2 m (6,6 pieds) de profondeur le long de la courbe intérieure. Cette exigence correspond à un élancement de 44 (rapport portée-profondeur), ce qui est remarquable pour les types de superstructures de poutres traditionnelles.

Innovation dans la conception et la construction de ponts

Le concept de référence prévoyait un pont à haubans muni de deux grandes poutres-caissons en acier rigide en torsion pour répondre aux exigences de performance. Par conséquent, Parsons a choisi un tablier en porte-à-faux large pour garantir la pente transversale de 6 % et maintenir l’enveloppe de dégagement en dessous. De plus, un tablier en acier orthotrope léger et une tour séparée de la superstructure ont été proposés.

Au cours de la phase d’appel d’offres de ce projet de conception-construction, le tablier orthotrope s’est avéré plus coûteux et plus difficile à concevoir, à fabriquer et à construire qu’un tablier en béton traditionnel. Par conséquent, Parsons a décidé d’étudier l’option du tablier en béton. Le tablier en béton plus lourd a augmenté les problèmes pour les poutres minces du point de vue de la demande et de la déflexion. L’équipe s’est rendu compte que les poutres en tôle d’acier simple ne pouvaient pas répondre aux objectifs de conception en ce qui concerne la profondeur et l’élancement constants des poutres.

Surmonter les défis

La déviation de la charge utile constituait un autre défi que Parsons devait surmonter. Les poutres minces le long de la courbe intérieure auraient considérablement dévié et tordu la section transversale si les poutres-caissons rigides de torsion avaient été omises. Cependant, les deux poutres-caissons proposées dans le concept de référence étaient coûteuses et trop grandes pour être expédiées. Pour des raisons de fabrication et de construction, il a été décidé d’étudier plusieurs petites poutres-caissons attachées ensemble pour former un méga système de grillage en acier qui offre simplicité, répétition, redondance structurelle et rigidité (voir la figure 1).

Les ingénieurs de Parsons ont tiré parti du fait que dans une superstructure incurvée et un système structurel hyperstatique, l’absence de rigidité à la flexion verticale peut être partiellement compensée par une rigidité et une capacité de torsion. Pour obtenir cet effet, prenez votre bras et pliez-le à un angle de 90 degrés. Un moment de flexion au niveau de votre poignet se transforme complètement en un moment de torsion au niveau de votre épaule et vice versa. Les ingénieurs en structure savent que les forces (moments et cisaillement) dans les systèmes structurels hyperstatiques dépendent de la distribution de la rigidité en flexion dans le système. Il en va de même pour la flexion et la torsion dans un système hyperstatique incurvé où la rigidité en torsion des poutres-caissons affecte directement les moments de flexion et aide à redistribuer les demandes locales élevées dans une poutre-caisson si plusieurs poutres-caissons couplées sont utilisées. Cet effet a été la solution pour le pont du canal de Lachine car il a permis un tablier en béton sans compromettre les critères de performance et la vision architecturale qui suit le viaduc de Millau en France.


Figure 1 : Coupe transversale de la superstructure du pont avec la poutre de soutien de la tour et la base de la tour

La superstructure du pont du canal Lachine utilise la rigidité en flexion et en torsion de six poutres-caissons couplées (numérotées A, B, C, D, E et F sur la figure 2) pour obtenir la redondance, la résistance et la rigidité des charges verticales. Par exemple, pour la constellation de charges utiles gouvernante, qui a provoqué la plus grande déflexion de la superstructure pour la poutre-caisson la plus mince (poutre A de la figure 2), Parsons a trouvé une déflexion maximale de seulement 88 mm (3,5 pouces) ou un rapport fléchissement-portée de 1/1 000. Cette valeur remarquable a été obtenue sans compromettre la flexibilité horizontale de la superstructure requise pour les changements de température et les performances sismiques. Le principe de l’isolation structurelle par des paliers pendulaires à friction a permis d’obtenir des solutions de sous-structure et de fondation rentables qui répondaient pleinement aux exigences en matière d’architecture, de service, de finition et de conception sismique.

Un design innovant et complexe

Les ponts structurellement complexes tels que le pont du canal de Lachine exigent une excellente compréhension des trajectoires de charge primaires et du flux des forces. Pour comprendre l’interaction de la flexion verticale et de la torsion dans une poutre-caisson, les ingénieurs de Parsons ont mis au point un modèle qui visualise le flux des forces dans les poutres-caissons courbes et calcule les forces transversales sans l’utilisation d’un modèle complexe d’éléments finis raffiné qui capture tous les aspects de la poutre-caisson. À partir des six forces trouvées pour chaque poutre-caisson dans le modèle global d’épine dorsale (force axiale, flexion de l’axe fort et faible, cisaillement de l’axe fort et faible et torsion), les contraintes dans les semelles et les âmes des poutres-caissons ont été calculées à l’aide des propriétés des sections transversales pertinentes et de la méthode de superposition des contraintes linéaires de Mises.


Figure 2 : Forces de soutien des semelles fournies par les cadres transversaux à l’intérieur de la poutre-caisson

Cependant, les contraintes axiales (dues à la flexion verticale) dans les semelles courbes d’une poutre, génèrent des forces de déviation agissant dans des directions radiales opposées sur les semelles supérieures et inférieures. Ces forces de déviation provoquent des contraintes de flexion secondaires dans les semelles et doivent être prises en compte lors du calcul des contraintes extrêmes sur les bords des semelles. Les semelles sont soutenues latéralement par les cadres transversaux. En fonction de l’espacement du cadre transversal (longueur non autoportante), des contraintes axiales de l’aile et du rayon de la poutre-caisson, les contraintes de flexion secondaires de la semelle et les réactions de soutien latéral de la semelle peuvent être quantifiées (voir la  figure 2).

Les forces de soutien latérales de la semelle supérieure et de la semelle inférieure étant connues, les forces exercées sur le cadre transversal peuvent être calculées à la main à l’aide de modèles simples à entretoise et à attache, après que les réactions de soutien latéral de la semelle ont été remplacées par deux modèles individuels : l’un qui produit un flux de cisaillement en torsion constant dans la poutre-caisson (qui se déplace dans le sens longitudinal de la poutre) et l’autre qui montre clairement les forces locales qui sont équilibrées par les éléments de l’ossature transversale (voir la figure 3). En d’autres termes, les figures 2 et 3 expliquent comment un moment de flexion vertical est converti en moment de torsion lorsque l’on suit les forces le long de la direction longitudinale d’une poutre-caisson courbe. Cela a permis à Parsons d’optimiser les forces et l’espacement entre les cadres.

Mais l’innovation ne s’est pas arrêtée là : l’action globale entre le tablier en béton et les poutres-caissons couplées ne représentait que les charges permanentes superposées et les charges transitoires. Cette philosophie de conception innovante pour les ponts soutenus par câbles a permis de créer des panneaux de tablier préfabriqués minces sur toute la profondeur sans post-tension. Plus important encore, elle permet le remplacement futur des panneaux de tablier sans la reconstruction de la superstructure en acier. Cette caractéristique de conception importante ne se retrouve pas dans les ponts à haubans traditionnels où le tablier en béton est conçu pour faire partie intégrante du chemin de charge primaire pour la charge permanente.


Figure 3 : Modèles de visualisation des exigences de torsion et de distorsion

La tour du pont du canal Lachine est un mât autoportant dans le sens radial du pont. Pour des raisons de stabilité, une base de tour entièrement retenue est essentielle. Le concept de référence montrait une tour qui avait ses fondations et qui était séparée de la superstructure. Cependant, cette séparation de la tour et de la superstructure (mais reliée par des haubans) présente des inconvénients importants lors d’un événement sismique lorsque des mouvements de la superstructure par rapport à la tour se produisent. Pour résoudre ce problème important pour la tour et ses fondations, Parsons l’a encadré dans la superstructure de sorte que les deux systèmes (la poutre et le système de haubans) deviennent un système de superstructure extradossée entièrement intégré. Ce type de superstructure modifié est complètement isolé de la sous-structure afin d’améliorer la performance sismique du pont et de réduire les exigences de conception pour la sous-structure et les fondations du pont.

L’approche de Parsons

Le pont du canal Lachine est un exemple d’approche de conception novatrice qui combine l’idée d’un pont extradossé incurvé avec un système de grillage en acier composite utilisant plusieurs petites poutres-caissons en acier. Dans ce contexte, des modèles d’entretoises et d’attaches ont été appliqués pour visualiser le flux de cisaillement dans les poutres-caissons rigides en torsion et pour développer une méthode permettant de calculer à la main les forces exercées sur les cadres transversaux. Cela a permis de réduire la complexité du modèle global de pont et de maintenir la simplicité nécessaire à la vérification de la performance structurelle globale et du jugement technique. La conception est la preuve que l’application de la théorie de la poutre pour les poutres-caissons couplées multiples, en combinaison avec les principes de conception des systèmes structurels hyperstatiques, peut fournir des résultats exceptionnels en termes d’élancement, de rigidité, de redondance structurelle, de constructibilité et de rentabilité.

Prix

Pour l’innovation du projet sur le pont du canal Lachine, Parsons a reçu le prestigieux  prix du meilleur projet mondial 2022 du ENR dans la catégorie des ponts et tunnels et le prix du mérite 2022 de l’AFGC. De plus, cette entreprise a été choisie comme l’un des trois finalistes pour le prix du projet de l’année 2022 du ENR.

Merci à Parsons d’être un commanditaire de l’ATC. Pour en savoir plus sur cet organisme, consultez son profil de commanditaire ou visitez www.parsons.com.