Article vedette d’un commanditaire de l'ATC – EXP
Par Hany Soloumah, Ph. D., PMP, CPEM, ASEP, directeur, Systèmes de traction électrique
L’ingénierie des systèmes s’appuie sur une méthode structurée et vérifiable qui permet de convertir les besoins, les attentes et les contraintes des parties prenantes en solutions. Cette réalisation devient possible grâce au processus d’identification des exigences, de gestion des interfaces et de contrôle des risques tout au long du cycle de vie d’un projet.
L’ingénierie des systèmes vise principalement à gérer les risques, tels que le risque de ne pas satisfaire aux exigences et besoins du client, le risque de retard, d’excédent budgétaire et de conséquences imprévues.

En appliquant le principe d’ingénierie des systèmes, on veille à ce que le développeur des systèmes et les parties prenantes aient confiance que le « système soit conçu correctement », c’est-à-dire que sa construction respecte la conception et le devis. Mais encore, que le système satisfasse aux besoins et aux exigences des parties prenantes, tout en fonctionnant tel que requis dans son environnement d’exploitation.
L’ingénierie des systèmes atteint ces objectifs notamment en examinant le problème dans son ensemble, tout au long du cycle de vie du système, de sa conception à sa mise hors service.
Tous les mégaprojets d’infrastructures et de transport nécessitent un investissement important, autant d’argent que de temps. Ces projets s’étalent sur plusieurs années afin de créer des systèmes complexes ayant un cycle de vie d’utilisation de plusieurs décennies. Les projets d’infrastructures et de transport actuels peuvent faire face à plusieurs défis, tels qu’une complexité accrue, des examens financiers plus fréquents et la nécessité de respecter des échéanciers stricts, qui peuvent entraver l’achèvement de projets respectant les coûts et les délais.
L’ingénierie des systèmes devrait être utilisée tout au long du cycle de vie d’un projet, car, lorsqu’elle est mise en œuvre tôt, elle permet d’atténuer les risques financiers, techniques et relatifs à l’échéancier. Elle réduit également les éléments de surprise lors de l’intégration, la vérification et la validation, ainsi que lors de la mise en service. L’ingénierie des systèmes revêt une grande importance lorsque l’on doit mettre en œuvre des systèmes devant obtenir une certification de sécurité avant de pouvoir être mis en service, comme c’est le cas par exemple pour les marchés ferroviaires, aéroportuaires et de santé.

En tant que développeur de système, vous pouvez être confronté à de nombreuses opinions, parfois conflictuelles, concernant l’ingénierie des systèmes1.
D’un côté, les efforts d’ingénierie des systèmes revêtent une grande importance parce qu’ils :
- possèdent des hauts rendements sur investissement ;
- veillent à ce que les exigences des parties prenantes soient identifiées et traitées ;
- procurent une manière proactive de gérer les risques ;
- établissent une fondation pour tout aspect de la conception ;
- optimisent la conception à travers des évaluations de solutions de rechange ;
- identifient les interfaces tôt dans le processus de conception et assurent une intégration fluide.
De l’autre, on doit minimiser les efforts d’ingénierie des systèmes en raison de ces facteurs :
- le coût élevé de l’ingénierie des systèmes rend l’appel d’offres non concurrentiel ;
- l’inquiétude liée à la « paralysie par l’analyse » et le désir de débuter la conception ;
- le manque de budget ou d’employées et employés pour soutenir ces efforts ;
- l’absence d’extrant livrable issu de l’ingénierie des systèmes ;
- la réticence des clients à payer pour ces efforts.
Il est important de concilier les efforts d’ingénierie des systèmes et d’adapter le processus. Cette approche permet l’adaptation aux projets et aux systèmes afin d’optimiser le retour sur investissement et de minimiser les risques financiers, techniques et relatifs à l’échéancier.
Selon les principes d’ingénierie des systèmes, « des entreprises complexes conçoivent des systèmes complexes1 ».
Ces entreprises complexes disposent du nombre approprié de procédures ainsi que de la compréhension technique nécessaire. Elles peuvent donc déployer des systèmes complexes, travailler sur ses éléments et obtenir des informations grâce à la gestion et au contrôle adéquats pour développer les systèmes tout au long de leur cycle de vie.
L’ingénierie des systèmes offre un cadre complet pour les entreprises afin de naviguer dans ces systèmes complexes.
Projets d’infrastructures et de transport et ingénierie des systèmes
Les projets d’infrastructures et de transport comportent des activités de conception complexes. Des routes et des ponts aux voies ferrées, en passant par les aéroports et jusqu’aux véhicules autonomes, ces systèmes requièrent une planification, une conception et une coordination vastes et détaillées.
L’application des principes d’ingénierie des systèmes facilite la gestion de la documentation et de l’intégration d’une multitude d’exigences. Elle permet aussi de préparer une conception pour répondre à ces exigences, d’intégrer les composantes de la conception, puis de vérifier si la conception a bien satisfait aux exigences2.
Les travaux de conception peuvent rencontrer plusieurs difficultés découlant d’une application inadéquate des méthodes d’ingénierie des systèmes. Par exemple, si les exigences ne sont pas correctement documentées ou gérées, certains éléments critiques permettant de satisfaire les besoins des parties prenantes, des codes ou des normes en vigueur pourraient être omis lors de la conception. Souvent, les diverses composantes de la conception ne sont pas intégrées adéquatement, ce qui entraîne des conflits de conception. De plus, des modifications d’exigences ou des besoins des parties prenantes peuvent entraîner un glissement de la portée, des ajustements de conception de dernière minute et un dépassement des délais. La résolution de ces problèmes et d’autres souligne la nécessité d’une approche plus structurée de gestion de la conception technique des projets d’infrastructures. L’ingénierie des systèmes contribue à la résolution de ces problèmes dans un environnement de plus en plus complexe2.
Les organismes gouvernementaux, tels que le ministère des Transports des États-Unis et Transport for NSW en Australie, ont pris conscience des avantages considérables que l’application des méthodologies d’ingénierie des systèmes aux projets d’infrastructures et de transport peut offrir. Pour cette raison, ils ont mis en place des programmes visant à appliquer ces procédures.
Avantages de l’ingénierie des systèmes
De la même manière que les avantages de la mise en place d’un processus de gestion de la qualité (SMQ) ou de gestion de projets dans une entreprise sont nombreux, l’ingénierie des systèmes présente également plusieurs avantages :
- L’évitement d’écueils causés par des informations manquantes ou des suppositions erronées
- La gestion d’enjeux réels en constante évolution
- Le développement de solutions plus efficaces, économiques et robustes au besoin identifié
En adoptant l’approche de l’ingénierie des systèmes, le coût et l’échéancier d’un projet sont mieux gérés et contrôlés.
L’ingénierie des systèmes permet un meilleur contrôle et une meilleure connaissance des exigences d’un projet, de ses interfaces et enjeux, ainsi que des conséquences associées à tout changement.
Grâce à l’approche complète de l’ingénierie des systèmes, qui commence dès la phase de conception, les expertes et experts peuvent détecter et corriger les erreurs rapidement pendant le développement du projet. Le coût de résolution d’un problème d’un projet dépend du moment de sa détection.
Selon l’étude « Error Cost Escalation Through the Project Life Cycle »3 :
- Détecter et rectifier une erreur dans la phase des exigences revient à 1 $. En revanche, la même erreur, détectée lors de la phase d’exploitation, engendrera des frais de 250 $.
- Plus l’envergure et la complexité du projet sont importantes, plus le coût de correction sera élevé et plus les risques augmenteront.
- Régler les problèmes au début du cycle de vie du projet est moins coûteux qu’à des étapes avancées.
À quel point l’ingénierie des systèmes contribue-t-elle au succès d’un projet ?
En 2013, l’University of South Australia a réalisé une étude pour quantifier le retour sur investissement des activités d’ingénierie des systèmes sur le coût et l’échéancier général de projets. Les données de l’étude révèlent que l’effort en ingénierie des systèmes a eu un impact significatif et mesurable au succès d’un projet, avec des facteurs de corrélation allant jusqu’à 80 %4. Les résultats indiquent que le niveau d’effort optimal en ingénierie des systèmes se situe dans une fourchette normalisée de 10 % à 14 % du coût total du projet.
Le retour sur investissement de l’intégration de fonctionnalités d’ingénierie des systèmes supplémentaires à un projet dépend du niveau d’activité existant. Si le projet n’utilise pas d’activités d’ingénierie des systèmes, son ajout offre un retour sur investissement de 7:1. Pour chaque unité de coût supplémentaire consacrée à l’ingénierie des systèmes, le coût total du projet sera réduit de sept unités. En se basant sur la moyenne des projets analysés, l’investissement en ingénierie des systèmes supplémentaire génère un rendement de 3,5:1.
Étapes pour une réalisation de projet/systèmes réussie
L’ingénierie des systèmes propose un ensemble de méthodes que les entreprises peuvent adopter pour veiller à la réussite de projets complexes. Ces procédures doivent être ajustées en fonction des besoins de l’entreprise et des particularités du projet. Parmi ces processus, les éléments du tableau suivant sont essentiels pour un lancement réussi de l’intégration de l’ingénierie des systèmes.

Valider et gérer les exigences
Les exigences constituent la base d’un contrat et de l’acceptation de l’offre. En partant de l’effet souhaité du nouveau système, on doit équilibrer les exigences avec le budget et la faisabilité technique. On doit aussi identifier et consulter les parties prenantes concernées, identifier et gérer les suppositions, et évaluer les impacts des changements et des compromis proposés. Il faut également tester le système en fonction des exigences.
Valider et gérer les interfaces
La gestion des interfaces permet de veiller à ce que les différentes parties d’une solution s’assemblent et que l’environnement opérationnel fonctionne comme un tout efficace. Cela permet aux équipes de travailler en parallèle en ayant la certitude que tous les éléments qu’elles développent s’intégreront et fonctionneront ensemble. Identifier qui assume la responsabilité de quelles tâches et qui est impliqué dans chaque interface est important.
Suivre l’avancement par rapport au plan
Outre les mesures de gestion de projet traditionnelles (c’est-à-dire les coûts, les échéances et les ressources), il est important de faire un suivi sur les compétences, les décisions et les performances techniques. Il faut savoir s’adapter aux changements et accepter de revenir sur ses décisions. L’incapacité d’arriver à une entente sur les exigences ou les interfaces peut indiquer la présence de problèmes plus profonds.
Gestion des exigences
Les projets d’envergure d’infrastructures et de transport doivent répondre aux exigences d’une multitude de parties prenantes. Ces exigences peuvent provenir du contrat, des lois et de la réglementation, des concepts opérationnels, de l’état du site, des interfaces et services publics externes, des codes et normes industrielles, des besoins des opérateurs, de l’intérêt du public et d’autres sources.
Les projets font souvent face à plusieurs types de problèmes liés à une mauvaise gestion des exigences. Par exemple, des engagements contractuels et réglementaires peuvent être négligés, les exigences peuvent ne pas être transmises aux sous-traitants, aux fournisseurs, ou encore être incomplètes, floues, non mises à jour de façon régulière et sujettes à des interprétations très variées. Il est difficile à démontrer que les exigences d’un projet ont été respectées, et la responsabilité de la gestion des exigences est souvent mal définie. Aborder ces problèmes, ainsi que d’autres, met en évidence la nécessité d’une méthode plus structurée pour gérer les exigences.
Cette gestion s’effectue par un processus qui permet de recueillir, de documenter et de valider les exigences, ainsi que de gérer leur implantation et tout changement. C’est un processus qui se déroule de manière continue tout au long du cycle de vie du projet et qui s’inscrit dans d’autres processus de gestion de projet, comme la gestion de la qualité et la gestion du changement.
L’une des tâches les plus importantes dans la gestion des exigences consiste à les affecter. Elle consiste à examiner attentivement chacune d’entre elles et à les affecter au sous-système pertinent. Les exigences doivent être hiérarchisées du niveau « système » au niveau « sous-système », puis au niveau « élément du système ».
Gestion de l’interface
La gestion de l’interface facilite et gère l’identification, la définition et la conception des interfaces des systèmes en plus de l’interaction à travers celles-ci. L’équipe de projet doit identifier et définir chacune des interactions entre tous les éléments du système qui composent le système intégré, ainsi que les interactions de ce dernier avec les systèmes externes et les utilisatrices et utilisateurs. Si cette étape est négligée, elle entraînera des ajustements coûteux et chronophages lors de l’intégration, de la vérification et de la validation du système.
La gestion de l’interface aide à mettre en évidence les problèmes sous-jacents critiques beaucoup plus tôt dans un projet. Ces problèmes, autrement révélés plus tard, peuvent affecter le budget, l’échéancier et la performance du système. Identifier ces interfaces tôt dans le projet permet de gérer celles-ci de manière proactive, en plus de développer un plan d’intégration.
Évaluation et contrôle
L’évaluation du projet consiste à recueillir des données pour évaluer l’adéquation de l’infrastructure, la disponibilité des ressources nécessaires ainsi que la conformité aux critères de performance du projet. L’évaluation suit également l’avancement technique d’un projet et peut détecter de nouveaux risques ou des domaines nécessitant une investigation plus approfondie.
Le contrôle de projet implique à la fois des mesures préventives et correctives pour veiller à ce que le projet se déroule comme prévu en termes de planification, de délais et de budget.
Un tableau de bord de projet s’avère un outil précieux, car il offre un aperçu clair et concis de l’avancement. L’état d’avancement doit être clair et visuel (utilisation de couleurs comme le rouge, le jaune et le vert) afin de faciliter l’identification rapide des problèmes critiques nécessitant des interventions urgentes de récupération.
Afin d’en apprendre davantage au sujet de l’ingénierie des systèmes pour votre prochain mégaprojet, contactez notre directeur des systèmes de traction électrique, Hany Soloumah.
Apprenez-en davantage au sujet des infrastructures et des Trains + transports en commun chez EXP.
Merci à EXP d’être un commanditaire de l’ATC. Pour en savoir plus sur l’entreprise, consultez son profil de commanditaire ou visitez www.exp.com/fr.
Références (en anglais)
- Davies, P., Thales, & INCOSE UK. (2013). Quantification of the Value of Systems Engineering. INCOSE UK. uk/media-library/sites/eng-systems-centre.
- Applying systems engineering to industrial & infrastructure projects. (n.d.). INCOSE INFRASTRUCTURE WORKING GROUP. org/docs.
- Haskins, Bill & Stecklein, Jonette & Dick, Brandon & Moroney, Gregory & Lovell, Randy & Dabney, James. (2004). 8.4.2 Error Cost Escalation Through the Project Life Cycle. INCOSE International Symposium. 14. 1723-1737. 10.1002/j.2334-5837.2004.tb00608.x. net/publication/285403716_842.
- Honour, E., University of South Australia, & Honourcode, Inc. (2010). Systems Engineering Return on Investment. INCOSE. edu/lib-circ/.
- Systems Engineering Handbook, 5th Edition. (n.d.). Wiley.com. com/en-us/INCOSE+Systems+Engineering+Handbook.