Politique de mobilité à base zéro : trois axes stratégiques audacieux pour le milieu du XXIe siècle

Jeudi, 19 Mai, 2022

Article vedette d’un commanditaire de l’ATC

Par John Howe, leader d’opinion et conseiller en stratégie, société Wood

La COVID-19 a déclenché une série de changements rapides et sans précédent dans la façon dont les Canadiens vivent, travaillent et se déplacent. Comment les décideurs en matière de transports devraient-ils suivre le rythme de ces importantes transformations ou aider à les façonner?
Le Canada a-t-il besoin de revoir ou de mettre à neuf sa stratégie en matière de transports pour sortir de la pandémie comme un pays plus écologiquement soutenable, résilient et équitable qu’auparavant?

Certains des principaux indicateurs de la demande de mobilité et des préférences de mobilité préparent la voie à une nouvelle normalité en matière de transports :

  • Le déclin du traditionnel navettage aux périodes de pointe du matin et de l’après-midi en semaine : Si les employeurs continuent de permettre le travail hybride et le télétravail, les schémas de navettage deviendront plus dispersés tout au long de la semaine normale de travail.
  • L’exode accéléré vers les périphéries et les collectivités rurales : Les millénariaux à la recherche de maisons abordables et favorables à la vie de famille dans un marché de l’habitation qui se resserre — et profitant des possibilités de travail hybride — sont portés à aller se réinstaller au-delà des franges urbaines. 
  • L’achalandage et les recettes du transport collectif peinent à récupérer : Contrairement aux déplacements en voiture, qui sont revenus à leurs niveaux d’avant la pandémie dès l’été 2020, les systèmes de transport collectif urbain les plus performants du Canada n’avaient retrouvé, au début de 2022, que 60 % de leur achalandage antérieur.
  • La popularité croissante des déplacements à pied et à vélo et de la micromobilité : Les gens continuent de rechercher des espaces ouverts permettant la distanciation sociale pour faire de l’activité physique et se déplacer autrement, plutôt que de recourir à des services de transport collectif bondés ou détériorés.
  • La perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et les pressions inflationnistes qui en résultent, causées par la reprise rapide de la demande de biens de consommation et le passage accéléré du marché au commerce en ligne.

Les changements ci-dessus et d’autres changements sans précédent dans nos schémas démographiques, économiques et de mobilité montrent toute l’importance d’une correspondance encore plus étroite entre les politiques de transport et les objectifs économiques, environnementaux et sociaux plus larges. Les plans directeurs de transports municipaux actuels portent généralement sur un horizon de planification à long terme jusqu’en 2030 ou 2040, mais la plupart ont été préparés avant la pandémie et les transformations qu’elle entraîne.

Comment les décideurs et les planificateurs devraient-ils passer à l’année 2022 avec plus d’agilité pour suivre ou devancer le rythme de la transformation sur le marché de la mobilité? Un point de départ consiste à mettre en œuvre un « cadre stratégique de transport à base zéro » comportant trois axes stratégiques :

  • Mobilité à zéro émission nette – Décarbonisation de la mobilité
  • Vision Zéro de la sécurité routière — Aucun décès sur la voie publique
  • Ne laisser personne derrière – Mobilité universelle de base

1. Stratégie de mobilité à zéro émission nette

Nombre de municipalités canadiennes suivent déjà l’exemple du gouvernement fédéral et d’autres gouvernements dans le monde et adoptent officiellement différentes cibles de zéro émission nette ou de décarbonisation d’ici 2050. Les faits suivants font en sorte que le Canada ne pourra atteindre ses objectifs de lutte aux changements climatiques d’ici 2050 que s’il se dote d’une réponse et d’instruments stratégiques plus fermes en matière de transports :

  • La mobilité compte pour 25 % du total des émissions de gaz à effet de serre du pays (1).
  • Les émissions de gaz à effet de serre liées à la mobilité dans le secteur des transports ont augmenté de 54 % au cours des vingt dernières années.
  • La mobilité postpandémique pourrait montrer une dépendance encore plus grande envers les véhicules personnels.

Compte tenu de la domination croissante de la mobilité personnelle, l’accélération de la décarbonisation du parc de véhicules automobiles est essentielle pour atteindre la cible que s’est donnée le Canada d’ici 2050 dans la lutte aux changements climatiques.

En 2021, le gouvernement fédéral a fixé un objectif stratégique phare selon lequel 100 % des nouveaux véhicules de tourisme vendus soient, d’ici 2035, des véhicules à zéro émission. Compte tenu de la durée de vie utile des véhicules, près de 100 % du parc canadien de véhicules de tourisme pourraient être des véhicules électriques à batterie d’ici 2050.   

Les ventes de VE devraient augmenter au fur et à mesure que les constructeurs automobiles mettent sur le marché un plus large choix de véhicules utilitaires et de camions légers qui plaisent aux familles, que le prix des batteries continue de baisser tandis que leur autonomie augmente, et que le prix de l’essence continue de monter.

Atteinte de la mobilité nette zéro pour les véhicules personnels et les parcs de véhicules légers

Comment les gouvernements canadiens des trois ordres peuvent-ils mettre à profit les meilleures pratiques de mobilité nette zéro des autres gouvernements qui approchent ou qui ont dépassé le seuil de 50 % des ventes de VE pour atteindre une mobilité nette zéro? Les meilleures pratiques courantes sont les suivantes :

Politique fédérale et provinciale

  • Augmentation de 50 % à 100 % des rabais à l’achat d’un VE
  • Développement d’un réseau national de recharge des VE
  • Mise en œuvre d’une politique industrielle fédérale visant à faire du pays un producteur et fournisseur intégré et durable de VE et de batteries — y compris le recyclage et la réutilisation

Politique provinciale

  • Établissement d’un barème de droits d’immatriculation progressifs pour les véhicules à combustible fossile, augmentant selon un indicateur de rendement du véhicule, comme l’empreinte carbone annuelle ou durant le cycle de vie et le kilométrage annuel parcouru
  • Instauration d’un congé de paiement des droits d’immatriculation d’un VE
  • Aménagement de voies réservées ou donnant priorité aux VE

Politique municipale

  • Développement d’un réseau de recharge des VE sur rue à la grandeur de la ville
  • Création de zones réservées aux VE, comme le centre-ville, les lieux patrimoniaux et culturels ainsi que les attractions récréatives
  • Adoption d’une politique de priorité ou de rabais de stationnement aux VE

2. Stratégie de sécurité routière Vision Zéro

Plus de 1 700 Canadiens, dont 160 enfants, sont tués chaque année dans des accidents de la route (2). En termes absolus, par habitant et par véhicule-kilomètre, les chiffres diminuent graduellement depuis quatre décennies. Toutefois, les hausses subites des décès et des blessures liés aux accidents de la route des dernières années prennent les responsables politiques par surprise et donnent du poids à l’idée de s’aligner sur une stratégie de mobilité Vision Zéro afin d’atteindre l’objectif d’aucun décès sur la voie publique.

Qu’est-ce que la Vision Zéro?

Les meilleures pratiques mondiales Vision Zéro visent l’amélioration et une plus grande sécurité de la conception des routes, de la conception des véhicules et des limites de vitesse, des soins médicaux dispensés aux victimes d’accidents de la route et du comportement humain, avec l’objectif ultime de zéro décès et blessure grave liés aux accidents de la route.

Reconnaissant le besoin de réduire les décès et blessures graves liés à la circulation, ainsi que leurs coûts sociaux, la Ville d’Edmonton a été la première ville canadienne à adopter officiellement une stratégie Vision Zéro, en 2015. Depuis lors, au moins quatorze administrations municipales et deux administrations provinciales canadiennes ont adopté la Vision Zéro ou un pilier fondateur comparable dans leur plan directeur de transport. Un prochain défi de mise en œuvre consiste à réaliser un tableau de bord du rendement transparent et à haute visibilité pour communiquer les progrès réalisés et mettre en évidence les zones à haut risque de collision qui nécessitent une bonne combinaison d’éducation, d’application de la loi et de contremesures techniques.

Soutien gouvernemental

Nombre de municipalités félicitent le gouvernement fédéral du rôle moteur qu’il joue pour mettre en œuvre des initiatives inspirées de la stratégie Vision Zéro en tant que plateforme stratégique d’importance majeure. 

Un degré d’urgence plus élevé sera nécessaire si le Canada souhaite suivre le rythme de la politique de sécurité routière et de la mobilisation des ressources fédérales des États-Unis — sans parler des gouvernements précurseurs comme la Suède, la France, les Pays-Bas, la Norvège, l’Écosse et la Nouvelle-Zélande, qui se sont donné une cible Vision Zéro pour 2050 ou plus tôt.

Les meilleures pratiques de Vision Zéro exposées dans le plan d’Edmonton comprennent l’adoption d’un plan stratégique sur dix ans qui dressera la liste des rues et intersections dangereuses et instaurera des contremesures appropriées pour éliminer ou réduire les causes d’accidents.

La prospérité des villes nécessaire à notre avenir exigera des cibles ambitieuses de sécurité routière Vision Zéro, que les administrations provinciales et municipales progressent vers un système de mobilité routière sans décès ni blessure grave grâce à une mission commune ainsi que le soutien de la collaboration et des investissements en matière de recherche.

3. Stratégie de mobilité universelle de base selon le principe de ne laisser personne derrière

Un troisième point de départ dans une nouvelle direction réside dans la notion de consommateur ou de client de la mobilité. Dans cette approche, la mobilité part du principe que l’accès équitable à une possibilité est en fait une question de finances personnelles. La mobilité universelle de base (MUB) est un nouveau concept qui garantit à chacun, quels que soient ses capacités, son âge et son revenu, l’accès à un minimum de moyens de mobilité autres que la possession d’une voiture, soit principalement les services de transport collectif, de covoiturage et de vélopartage.

Considérant le fait qu’environ 30 % des Canadiens, par choix personnel ou faute de moyens financiers, n’ont pas accès à un véhicule personnel, la MUB peut être inscrite dans une « charte de la mobilité » ou une « déclaration des droits à la mobilité » et concrétisée dans une carte prépayée, une carte de débit ou une application de paiement délivrée aux usagers admissibles. Les politiques de MUB offrent des avantages aux populations urbaines, qui sont plus susceptibles de ne pas posséder un véhicule personnel, en plus de réduire les dépenses plus élevées liées à l’utilisation d’un véhicule des populations rurales, qui se déplacent sur de plus longues distances.

La portée et le coût financier de la MUB, qui serait mise à l’essai ou mise en œuvre à une échelle communautaire, municipale ou régionale, obligent à évaluer de façon continue les avantages économiques, sociaux et personnels qu’apporte la liberté de déplacement, notamment en déverrouillant des emplois qui étaient auparavant inaccessibles.

Quelques réflexions

Un cadre stratégique de mobilité à base zéro, comprenant la mobilité à zéro émission nette, la Vision Zéro de la sécurité routière et le principe de ne laisser personne derrière, est un bon départ pour transformer la mobilité des Canadiens. Il reste encore beaucoup à faire pour rendre la mobilité écologiquement soutenable et résiliente, mais la réorientation stratégique et la persuasion des parties prenantes est un marathon et non un sprint.

Notre passage rapide des véhicules à combustible fossile aux véhicules électriques au cours des quinze prochaines années est indispensable à l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050, mais il perpétue notre modèle de croissance obsolète du siècle dernier reposant sur la voiture, gaspillant l’espace et favorisant la périurbanisation et la rurbanisation. Il reste aussi du travail à faire pour améliorer la sécurité et l’accessibilité de nos routes pour tous les Canadiens.

Voilà qui prépare la voie à une quatrième stratégie « zéro » pour le XXIe siècle, que la société Wood continuera d’étudier : des politiques, des plans et des investissements de mobilité visant à répondre à la croissance démographique et économique qui va à l’encontre des objectifs de réduction des émissions liées aux transports, d’accroissement de la sécurité et d’adoption de stratégies de mobilité inclusives et abordables pour tous les Canadiens. Cette politique boucle la boucle de la mobilité durable pour les Canadiens et est essentielle pour permettre la transformation dans tous les aspects de la mobilité à base zéro, contribuant à un monde plus durable et agréable pour tous.

(1) Données d’Environnement et Changement climatique Canada
(2) Données de Transports Canada


John Howe est un leader d’opinion et un conseiller stratégique en solutions de mobilité intégrées auprès de la société Wood. Pour mieux comprendre la politique de mobilité à base zéro et ses quatre axes stratégiques, veuillez communiquer avec M. Howe, à john.howe@woodplc.com.

La société Wood est un leader mondial du conseil et de l’ingénierie dans les domaines de l’énergie et de l’environnement bâti, contribuant à trouver des solutions à certains des plus grands défis du monde. Wood fournit des solutions en matière de conseil, de projets et d’opérations dans plus de 60 pays, employant environ 40 000 personnes.

Merci à Wood d’être un commanditaire de l’ATC. Pour en savoir plus sur Wood, consultez son profil de commanditaire ou le site Web www.woodplc.com.

 

 


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